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Dès l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, Maude Paradis commença à composer de petits récits, des poèmes, et termina deux courts romans avant même la fin de ses études primaires. Déjà fascinée par les excès et la démesure de l'âme humaine, elle créa des mondes surnaturels et des récits de science-fiction. Elle découvrit les théories de Freud et de Janov au début de l'adolescence, et ces connaissances sur la psychologie l'amenèrent à explorer, à travers l'écriture, la déchirante beauté de la vie et de toutes ses échappatoires. Les élans créatifs de l'artiste forgèrent un pôle entre l'horreur et la somptuosité de l'aventure humaine, et ces extrêmes se traduisent par une langue explorée, parfois explosée ou inventée, dans laquelle l'humour est toujours prêt à montrer ses nombreux visages.

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En 2019, Maude entreprit un baccalauréat en études littéraires à l’Université Laval. Elle obtient, en février 2021, la bourse d'excellence en création littéraire Jean-Sebastien Pontbriand pour son recueil de poésie "Ton visage est une étoile". Elle a publié dans Le crachoir de Flaubert et dans la première publication des Éditions Figures.

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Gaslighting in the 21st Century gagna le meilleur scénario de long métrage de Shorescripts en novembre 2021, passa en quart de finale de WeScreenplay Feature Screenwriting Competition en février 2022 et fit partie de la sélection officielle des Santa Barbara International Screenplay Awards en 2022. Des extraits de Gaslighting in the 21st Century se trouvent sur le côté B (anglais) du site.

Les sept ivresses, théâtre

Extrait

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AUGUSTA s'approchant de Mallarmé

Bonsoir, mon cher ami. Il y a fort longtemps que j'ai eu de vos nouvelles, de toi et  de Marie. Vous me négligez, c'est intolérable!

 

Mallarmé interrompt sa lecture, et se retourne, l'air ennuyé

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MALLARMÉ

Tiens... Mademoiselle Holmès. Les invités de Camille sont particulièrement remarquables de brillance, ce soir, et je ne vous avais donc pas aperçue.

 

Il retourne à son livre.

 

AUGUSTA Piquée dans son orgueil, elle réagit en femme du monde, et ignore la remarque 

Comment va Marie? Sa dernière lettre parle d'un mal de poitrine, qui l'a laissée apparemment très souffrante... Cela explique certainement la raison de l'interruption de la correspondance?

 

MALLARMÉ n'ayant écouté que d'une oreille

Très bien, merci. Votre sollicitude sera rapportée.

 

Il recommence sa lecture.

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AUGUSTA

Stéphane, que se passe-t-il?

 

MALLARMÉ

Je ne comprends pas où vous voulez en venir, mademoiselle.

 

AUGUSTA

Mais enfin, nous sommes amis depuis des lustres.

 

MALLARMÉ

Ah? Je situe mal de quelle amitié il s'agit.

 

AUGUSTA

Mais...

 

MALLARMÉ

Je crois que Saint-Saëns me demande, veuillez m'excuser.

 

Il se lève et commence à s'éloigner en direction de Saint-Saëns.

 

AUGUSTA haussant la voix

C'est à cause de Crapule, c'est bien ça?

 

Il se retourne, outré.

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MALLARMÉ 

Pardon? Madame, nous ne sommes pas aux Folies-Bergères ici. Si c'est à mon ami, Catulle Mendès, que vous faites référence avec ce calomnieux sobriquet, je vous prierais de prendre note que je tire moi-même mes conclusions, et qu'un cœur brisé est facile à détecter, autant qu'il doit être protégé d'assauts subséquents. Et maintenant, mademoiselle...

 

AUGUSTA l'interrompant

Elle sait, ta femme, pour Méry?

 

MALLARMÉ

Méry?

 

AUGUSTA

Ne fais pas l'innocent. Je n'ai jamais trompé Catulle. Tu es rapide à juger les autres, alors que tu es capable de bien pire...

 

MALLARMÉ

Vous voulez peut-être parler de Méry Laurent? C'est une de vos bonnes amies, je crois.

 

AUGUSTA

Quelle hypocrisie!

 

MALLARMÉ

Quel manque de savoir-vivre!

 

AUGUSTA

Tout Paris est au courant, et il ne reste plus que ta femme à informer de tes joyeusetés.

 

MALLARMÉ

Tu es complètement folle?

 

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La vie suspendue, théâtre

Extrait

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MARIE-REINE LANGLOIS

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La première fois qu’il m’a rembourrée d’amour comme il dit. C’était dans le parc Lafontaine. Dans les buissons. Proche du p’tit lac. Ça l’excitait que quelqu’un puisse nous découvrir. Il me disait que je sentais la morue. J’avais les aisselles sèches, comme si toute l’eau de mon corps ne pouvait suffire qu’aux larmes. Un gros chat est venu se coucher sur mon épaule, pour me réconforter peut-être ? Il m’appelait ma brebis. Le père, pas le chat. Il m’appelait sa brebis et il voulait que je l’appelle « mon gros bœuf ». J’essayais de me concentrer sur les étoiles. De me dire que les étoiles existaient, peu importe. Qu’elles continueraient d’exister. Que tout mon monde n’avait pas d’un seul coup implosé. Je ne me souviens pas des autres fois. Seulement que j’aurais préféré devenir brebis, afin de perdre la conscience de son corps sur le mien.

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Les placards de Mathilde, roman

Extrait

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J’exècre les voleurs de temps.

 

Je suis devenue réparatrice d’âmes. Mon instinct pour le maintien de l'existence m'y a poussé. Comme si réparer d’autres âmes rendait possible ma propre guérison, comme si l’espoir d’être un jour totalement saine d’esprit ne constituait pas une complète utopie. J’écoute, je conseille, j’encourage. Mes élèves, surtout. La fragilité des humains m’émeut. Il y a quelque chose de ténu en chacun de nous. Le noyau de notre essence, chétif et presque muet, se retrouve trop souvent mis au rancart, par honte de le dévoiler au grand jour. Par peur de sortir du placard de notre vraie identité. Et si nous faisions tous notre coming out personnel ? Moi, Mathilde Rebou, je suis juive. Premier placard. Moi, Mathilde Rebou, j’étais une enfant douée. Deuxième placard. Moi, Mathilde Rebou, je dois m’occuper assez l’esprit pour chaque jour oublier le désir de m’enlever la vie. Troisième placard.

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Ton visage est une étoile, recueil de poésie

Extraits

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Tu es là

Dans le paysage épuisé par mon regard

Entre les mots cueillis à même les hirondelles

Sous la bâche recouvrant les cadavres d'arbrisseaux

Dans la réfraction oblique des jours à venir

Ensemencé dans l'espace

Éparpillé et vivant

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*

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Mes os claquent

En un rythme sourd

J'estompe mon esprit, il devient

Fresque désenchantée

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Je perçois des milliers de crânes alignés

Mon frère

Éperdu la chamade battant son corps

L'angle aigu

D'un soleil essoufflé

S'accroche aux fers fins

 

La madone n'a plus à offrir

Qu'un sourire fondu

Elle ne répond plus

Aux cris rouges de mon frère

Nous ne mourrons jamais à ces images

 

De St-Ouen dévasté

Ne demeure qu'une vaste nécropole

La suffocation des colonnes

Les vitraux charcutés

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Le feu épluchera toujours les vivants

Toi, tu braveras le brasier

Et moi, des Ave de paille plein les mains

Et la crainte que tu ne m'embrases aussi

Formidable et impitoyable

Ta force dépasse presque

Ta détresse

 

Tu te cadastres

Tu enduis ton cœur de cendre

Tu cherches à t'éteindre

 

Nous nous consumerons

Imbibée d'étincelles

Notre colère se propagera dans le temps

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*

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Fils tendre de mousse

Et doux d'horizon

 

Fils d'hiver scintillant

Sur la plaine tranquille

 

Fils de mes pas hésitants

Dans l'aube pensive

 

Tu fabriques

Des songes de verre

En ta nef embuée

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Finement

Tu tricotes ta vie

Joli grain de cellule

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Fils de brindille

Et de fleur de lune

Songe de flocon

Et de clair soleil

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Holorimes et poésies formelles, recueil de poésie

Extrait

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Holorimes abâtardies

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Ô logique, écueil de mon esprit divinatoire,

 

            haine de mes journées, empathe, éthique,

 

aux loges y cueille : démon, esprit-de-vin; à toi

 

            reine de mes jours, néant pathétique

 

oh là gît seul mon esprit devin.

 

            Notoire haine demi-joug, ne nie pas tes tics,

 

ô longe, cœur d'un mépris

 

            divin, au demi-jour emporté

 

au lent jeu des mots,

 

            dis vite, ôte-toi, jeune appât,

 

Oh, l’enjeu!

 

             Démonise, toi,

 

ô l’ange.

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